Le surplus d’émotion que nous vivons constamment à cette 25e COP à Madrid est infiniment pesant. Bienvenue à la COP, lieu exclusif des négociations sur la crise climatique de la plus haute instance internationale. Des dizaines de milliers de personnes fourmillant dans l’enceinte afin de… afin de négocier les mesures d’atténuation et de mitigation de la crise climatique ? Enfin, c’est ce que je croyais.

Ici, nous sommes dans l’antre de la bête. Cette conférence n’est que pur produit du système, la quintessence de la machine dans toute son absurdité, une vraie caricature. D’un côté, nous avons un accès direct aux plus grand.e.s chercheur.e.s, aux activistes internationaux les plus engagé.e.s, aux récits de résilience des communautés les plus vulnérables et affectées face à une terrifiante réalité, et à un groupe de gens dédié.e.s à faire progresser les enjeux de façon radicale et transformatrice. De l’autre, nous assistons aux négociations qui ont peine à aboutir et qui ne cessent de m’indigner. Cette année, on « fêtait » les 30 ans (!!!) du Climate Action Network; ça en dit long. Un vétéran des COPs me racontait que c’est la première fois qu’il remet les pieds à une COP depuis celle de Paris, et il a l’impression d’être à la même place qu’en 2015; les négociations n’avancent pas.

Je critique la machine, mais ça, je peux le faire à Madrid comme à Montréal. Par contre, vivre cette expérience me fait énormément grandir. Une multitude de réflexions stagnantes et de questionnements que j’avais par rapport à qui je suis et à ce que je veux faire ont finalement progressé. D’une part, en même temps que nous approchons dangereusement les points de non-retour climatique, j’ai personnellement franchi le point de non-retour par rapport à ma carrière et à mon engagement. Face à l’urgence climatique et grâce à la solidarité et à la force du mouvement environnemental (qui est maintenant un mouvement de transformation sociale holistique) je ne me conformerai plus jamais, je ne peux plus jouer le jeu. L’engagement est au coeur de ma carrière et il le restera. Je ne pourrai plus simplement combiner ces deux vies, je veux les aligner pour qu’elles ne fassent qu’un. Je sais ce qui m’attend et je suis prêt à me battre. Ce sera le combat d’une vie, mais je préfère me tenir debout et être inconfortable que d’être lâche et dans le confort.

Heureusement, je ne suis pas le seul poisson qui nage à contre-courant. Nous sommes plusieurs dévoué.e.s avec qui je peux échanger, être vulnérable, m’indigner et pleurer quand il le faut. Je suis tellement fier de nous et particulièrement de la délégation d’ENJEU avec qui je passe ces journées difficiles mais riches. L’esprit d’entraide et l’amour que nous nous apportons sont clés, je n’aurais pas survécu à ces deux semaines tout seul. À travers les moments difficiles, je me suis rapproché de moi-même et j’ai pu élargir ma famille. Je reviens au Québec avec une énergie décuplée, une indignation ravivée et une clarté renouvelée sur mon engagement.

Par Félix Giroux-Szarek

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